« Il faut ouvrir les esprits pour bâtir un monde du travail plus inclusif »

Depuis trois ans, Ligia Gateau contribue activement au succès d’albedis en tant que consultante en recrutement. Grâce à une expérience internationale dans des domaines variés, allant de guest relations au recrutement, dans des pays tels que Bahreïn, l’Irlande et la Suisse, Ligia apporte une vision unique et éclairée à son métier. Spécialisée dans les profils marketing et passionnée par la diversité et l’inclusivité, elle nous partage ses réflexions sur les défis et les tendances dans le domaine du recrutement.


Votre spécialisation se concentre sur les profils marketing, mais aussi sur la diversité et l’inclusion. Quels sont les principaux défis liés à ces thématiques en Suisse ?

Ligia Gateau : « En Suisse, l’un des plus grands défis est le manque d’ouverture d’esprit des entreprises. Beaucoup souhaitent des candidats qui « ressemblent » à l’entreprise, ce qui crée une certaine uniformité dans les profils recrutés. On entend souvent des remarques comme « vous n’avez pas d’expérience en Suisse », ce qui peut décourager les talents internationaux et limiter la diversité. De plus, il y a encore un long chemin à parcourir pour rééquilibrer la parité homme-femme. Par exemple, certains commentaires sexistes persistent, comme l’idée que l’assistante doit être femme et disponible à toute heure et sans contraintes familiales. »

Quels conseils donneriez-vous à un candidat confronté à ces obstacles ?

« Mon premier conseil, c’est de ne jamais lâcher prise. Il faut pousser les portes et se préparer du mieux possible : apprendre tout ce que vous pouvez sur le marché, élargir votre réseau et utiliser vos connexions. Pour les femmes, je recommande de trouver un recruteur qui saura être leur avocat, quelqu’un qui défendra leurs intérêts. C’est essentiel. »

Qu’en est-il de l’acceptation des mères dans le monde du travail ?

« La maternité reste malheureusement un sujet sensible dans beaucoup d’entreprises. Les postes à temps partiel (60-80 %) sont souvent perçus comme un frein à la performance, ce qui est une vision dépassée. Mon souhait est de changer ces mentalités pour que chaque femme puisse trouver sa place sans compromis. »

Vous parlez souvent d’inclusion comme levier de performance. Que pensez-vous des récentes décisions politiques aux États-Unis sur ce sujet ?

« La décision récente de Donald Trump d’abolir les exigences de diversité, équité et inclusion (DEI) pour les entreprises travaillant avec le gouvernement fédéral envoie un message inquiétant. Cela montre que même dans des économies avancées, les principes d’inclusion restent fragiles. C’est justement pourquoi il est vital, ici en Suisse comme ailleurs, de renforcer ces valeurs dans le monde professionnel. Une entreprise inclusive est non seulement plus humaine, mais aussi plus innovante, plus performante et plus résiliente. »

Quelles évolutions notez-vous dans le recrutement en termes de diversité et d’inclusion ?

« Il y a de plus en plus d’entreprises, surtout internationales, qui demandent une approche plus inclusive et diverse. Cela montre un début de changement, mais la Suisse doit encore progresser dans ce domaine. On observe aussi une tendance à chercher des candidats « multitâches », particulièrement dans le marketing. On veut des experts capables de tout faire : graphisme, vidéos, branding et management. Cependant, il est crucial de rappeler aux entreprises qu’il est irréaliste de trouver « le mouton à cinq pattes ». Il faut privilégier des candidats qui, même s’ils ne remplissent pas 100 % des cases sur le papier, apportent une véritable valeur ajoutée. »

Comment voyez-vous la place des femmes dans les postes de direction en Suisse ?

« Les femmes restent sous-représentées aux postes de direction. Il est important de parler des exemples positifs et des réussites pour inspirer et encourager le changement. Ce dialogue est essentiel pour faire avancer les choses. »

Quels sont les défis pour les candidats expérimentés, notamment ceux de plus de 55 ans ?

« Placés à juste titre comme des experts avec des années d’expérience, ces profils peinent pourtant à trouver leur place. Les entreprises devraient réaliser l’énorme valeur qu’ils peuvent apporter, notamment en termes de mentorat et de savoir-faire. C’est un autre changement de mentalité nécessaire. »

Quelles tendances observez-vous actuellement dans le recrutement axé sur la diversité et l’inclusion ?

« Aujourd’hui, les entreprises commencent à comprendre qu’une équipe diverse et inclusive est un levier de performance. Les initiatives se multiplient, notamment dans les grandes organisations internationales, avec des formations sur les biais inconscients ou la mise en place de quotas pour les femmes ou les minorités. Cependant, en Suisse, ce sont encore les petites et moyennes entreprises qui restent frileuses. Il faut qu’elles comprennent que la diversité n’est pas une menace, c’est une richesse. Une équipe composée de profils différents génère plus d’idées, plus de solutions, et surtout plus d’ouverture. Pour évoluer, elles devront s’inspirer des bonnes pratiques internationales et intégrer la diversité comme un atout stratégique. »

En conclusion, quel est votre rêve pour le futur du recrutement en Suisse ?

« Mon rêve est de briser les barrières qui freinent la diversité et l’inclusion en Suisse. Je veux voir des entreprises plus ouvertes, prêtes à embaucher des candidats atypiques ou non conformes aux attentes traditionnelles. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais je suis convaincue que nous pouvons, pas à pas, changer les mentalités. »